Par rapport aux constructions réalisés entièrement en bois, les constructions bois-béton sont désormais une solution plus adaptée aux réglementations courantes de la construction et représentent, dans certains cas, une alternative plus rassurante pour les acteurs du secteur de la construction.
La tour Treed-it par exemple figure, à l’heure actuelle, parmi les plus hautes constructions mixtes bois-béton en France.[62] Cette construction de onze étages, labellisée Bâtiment biosourcé [63] n’est pas pour autant conçue intégralement en matériaux biosourcés. En effet, l’ossature bois, conçue sur les principes du système constructif poteaux-poutres, repose sur un socle en béton, ses planchers sont mixtes bois-béton et son noyau vertical également conçu en béton. Le BET structure explique que le recours au béton était nécessaire pour des raisons de «stabilité de l’ouvrage», pendant que l’entreprise en charge de la construction assure que «la combinaison du bois et du béton, utilisé chacun dans leur domaine optimal de performance, permettra d’obtenir un résultat qui ait la meilleure empreinte environnementale sur la durée de vie des bâtis».[64] Les projet norvégiens, cités ci-dessus, sont pourtant des preuves du fait que le recours au béton pour des raisons de sécurité incendie ou de solidité structurelle pour les noyaux de circulation verticale n’était pas indispensable.

Bien que les effets néfastes de l’industrie cimentière sur l’environnement soient connus, le béton continue d’être le premier matériau de construction au monde.[65] Le remplacement complet du béton par des matériaux biosourcés, en particulier pour les édifices de moyenne et grande hauteur, est encore freiné par les contraintes budgétaires, par l’absence de textes réglementaires, par le manque d’une structuration solide du réseau, les freins culturels, voire le scepticisme et le manque de savoir-faire de acteurs. En revanche, une transition douce mais progressive vers des solutions mixtes est préférable dans le secteur de la construction de bâtiments de moyenne et grande hauteur.
Le rôle du béton dans le cadre des constructions mixtes bois-béton est de substituer un autre matériau ou venir en complément des éléments en bois pour apporter des caractéristiques spécifiques. A l’exception de certains d’entre eux, les projets mixtes bois-béton, dont également les projets évoqués dans ce travail d’écriture, ont utilisé le béton pour la réalisation des fondations et du socle de support. Cette procédure permet de soutenir les charges de l’ouvrage et également d’isoler le bois de l’humidité du sol, étant d’ailleurs une solution d’autant plus intéressante dans une perspective de montées d’eau. De plus, le recours au béton pour le noyau vertical de circulation est une pratique courante dans la construction des bâtiments mixtes de moyenne et grande hauteur, notamment sur le territoire métropolitain.
Le choix du matériau de construction pour le noyau vertical de circulation joue un rôle décisif face aux enjeux de résistance au feu et de résistance structurelle. En effet, lorsqu’il s’agit des bâtiments de moyenne et grande hauteur réalisés en bois, le noyau vertical de circulation peut avoir un rôle de contreventement et consolidation structurelle du bâtiment. Ce fait demande une attention toute particulière à sa conception et aux matériaux qu’on lui attribue.
En ce qui concerne la résistance au feu, nous ne bénéficions pas encore en France d’une réglementation adaptée et mise au point pour les constructions de moyenne et grande hauteur en bois (juillet 2019). En revanche les voiles en béton sont parfaitement maîtrisés en France et le cadre réglementaire, notamment en matière de sécurité incendie et résistance structurelle, est fait pour ce type de matériau. Le remplacement du béton par le CLT est aussi freiné pour des raisons budgétaires car afin d’atteindre les exigences REI pour circulations communes et des dégagements, des mesures supplémentaires de précaution sont nécessaires; ce fait se traduit par l’augmentation de l’épaisseur des éléments bois et aussi par l’utilisation des moyens supplémentaires de protection au feu, comme vu dans la tour de Mjøs, ce qui entraine forcément l’augmentation du coût de construction. Malgré les avantages de faible conductivité thermique, l’utilisation du béton est de toute évidence en défaveur du bilan environnemental de la structure mais une augmentation d’épaisseur des éléments en CLT et leur traitement avec des produits ignifuges le fait aussi. Un arbitrage multicritères est nécessaires et cela est fait visiblement, dans la majorité de cas, en défaveur du bilan environnemental.
Le temps que le CLT soit accepté comme solution viable pour la colonne vertébrale de l’édifice et que les contraintes économiques, les textes réglementaires et les réticences de certains acteurs soient dépassées, les bâtiments de moyenne et grande hauteur qui se construisent à l’heure actuelle sur le territoire métropolitain continuent utiliser le béton pour noyau vertical des construction mixtes. Quant au choix du type des fondations pour les constructions de moyenne et grande hauteur en bois, les solutions sont faites principalement en fonction des caractéristiques du sol de construction. En règle générale, le bois, par sa légèreté structurelle devrait permettre de réaliser des économies puisqu’un bâtiment moins lourd nécessite des fondations moins importantes.
En réalité, les techniques mises en oeuvre sont différentes et sont adaptées aux particularités de chaque projet. La solution la plus adaptée dans le cadre des constructions de moyenne et grande hauteur serait les pieux en acier qui peuvent gérer les forces de compression et de tension mais, pour des raisons économiques, cette solution n’est pas pour autant prise en compte dans la majorité de cas. Les caractéristiques du sol peuvent également jouer en défaveur du coût d’investissement et être en opposition à la démarche éco-responsable souhaitée. C’est le cas de la tour de Mjøs, où les caractéristiques défavorables du sol ont nécessité la mise en œuvre de fondations d’environ 55 mètres de profondeur [66] ce qui a forcément eu des répercussions sur le bilan environnemental. A ce propos je rappellerais la question de séismicité qui est souvent redoutée dans la construction des bâtiments en bois, malgré les avantages incontestables que les structures bois puissent apporter en zone sismique. « D’une manière générale, les structures bois sont connues pour avoir un bon comportement en situation de séisme (lorsque correctement conçues !) Mais les codes actuels ne le mettent pas suffisamment en valeur ! »[67]
La construction des structures bois en zone sismique peut en effet présenter des avantages car elles acceptent des déformations importantes, grâce à leur assemblage, fait qui empêche leur effondrement. Quel que soit le type de structure, l’élément clé pour éviter l’arrachement lors d’un séisme est la rigidité de l’ancrage entre la structure porteuse et les fondations. Ces dernières doivent être suffisamment lourdes et rigides (radier, semelles filantes mailées, plots + tirants sismiques) afin de consolider l’ensemble du système constructif dans son ensemble et d’éviter l’effondrement[68].
[62] http://www.leparisien.fr/seine-et-marne-77/champs-sur-marne-treed-it-aura-la-plus-haute-tour-en-bois-de-seine-etmarne-
11-03-2019-8029110.php Visionné le 28 novembre 2019
[63] https://www.architecturebois.fr/tour-bois-treed-it/ Visionné le 20 novembre 2019
[64] https://vinci-construction.com/fr/actualites/construction-bois-prend-hauteur/818/ Visionné le 20 novembre 2019
[65] https://www.planetoscope.com/matieres-premieres/1374-production-mondiale-de-beton.html Visionné le 23 octobre 2019
[66] https://www.moelven.com/mjostarnet/video/ Visionné le 5 octobre 2019
[67] LE MAGOROU, Laurent (2015): Construction Bois.Concevoir et réaliser en zone sismique. FCBA (p.19)
[68] BALANDIER, Patricia: Construction parasismique en bois. DDE de la Martinique – SECQUIP